JEUNESSE ENTRE MARGINALISATION, PROTESTATION ET INTEGRATION.

 

La jeunesse constitue une tranche d’âge qui réunit généralement une population non adulte c’est –à- dire la période  qui se retrouve entre l’âge de  l’adolescence et l’âge adulte. Selon  certain  c’est la période comprise entre 16-35 ans. Cette définition primaire convient  parfaitement aux réalités socio-économiques d’Haïti et à la catégorisation faite par le  du Ministère de Jeunesse des Sports et de l’Action  Civique (MJSAC) par le biais de la direction de jeunesse et d’insertion. 

Au cours de cette période l’individu possède une certaine maturité, se consacre à sa formation, à un ensemble de projections, prend conscience de ses potentialités pour l’âge adulte. C’est la couche de la population qui aspire à plus de liberté par le biais de son dynamisme, son impatience et son dévouement. D’où,  une parfaite concordance entre attitude et comportement qui tient compte des performances de l’âge. C’est  aussi  une période de croissance, d’affirmation de soi, des choses nouvellement créées et de l’envie du changement. A noter qu’Il y a des personnes qui, malgré leur âge conservent toute leurs aptitudes physique et morale ; donc  la jeunesse peut se révéler un état d’esprit marqué par des prises de risques. Si l’on considère la  définition primaire de la jeunesse qu’implique la chronologie, on peut dire que cette catégorie d’individus est majoritaire au sein de la société haïtienne  selon les données de  l’Institut  Haïtien de  statistique   d’informatique (IHSI) en 2021.   Au regard des études de l’UNICEF de 2019 ; 54% de la  population haïtienne est âgée de moins de 25 ans.  Selon les rapports du programme de réponse post-COVID (PREPOC)  27% de cette population est comprise entre 15-25 ans, 61,9 % sont entre 15-19 ans et  50%  entre 20-24 ans dont  deux cent vingt-deux mille 222 000 d’entre eux  chaque année sont touchés par le chômage.

 Souvent victimes  d’une situation dont ils n’ont pas inventé, souvent refoulés, sous qualifiés, sous éduqués, sous employés  au sein d’une population dont  7, 4 % de personnes  seulement ayant passé  le cap des études primaires. 

La  jeunesse constitue  également cette frange majoritaire  la plus touchée  par la pauvreté et  l’insécurité alimentaire. Cette dernière qui hisse la barre de 48% en 2021, selon  la Coordination  Nationale de Sécurité Alimentaire (CNSA).

 L’aspiration de ces jeunes qui  sont en général de la masse défavorisée est  la mobilité sociale ascendante   et malgré les différentes contraintes sociales dont ils  sont l’objet dans une société de classes  et inégalitaire   telle qu’Haïti   au sein de laquelle le chômage chez les jeunes est de  23, 7%   pour un taux  de chômage combiné de 37,6 % entre 2018-2021 selon les chiffres de l’Institut de de la Recherche Scientifique pour l’Innovation et  le Développement (IRSID) et l’Observatoire du Marché de l’emploi dans la Caraïbe( OMEC)

Tout ceci c’est pour dire qu’au sein de la société haïtienne que  les jeunes  sont opprimés, réprimés  pataugent dans une insécurité  multiforme  criante et constante soit au niveau   de l’emploi ou  au niveau des conditions de bases requises par Maslow dans ses théories sur la pyramide des besoins etc. Leur satisfaction en tant que catégorie sociale  n’est presque jamais faite. L’absence de loi de la jeunesse,  de politique publique de jeunesse  claire ou de politique nationale  de jeunesse est une preuve tangible que les jeunes ne sont pas la priorité de l’Etat   haïtien. La  position de dominant des gouvernants  ne les poussent presque pas  à penser à l’intégration de la jeunesse livrée à  elle-même mais à sa marginalisation. Ce qui est tout  simplement la marque de la  peur de la génération  d’avant de   celle d’après. D’où,  l’expression la plus fulgurante  d’un conflit  Intergénérationnel. Ce conflit   précédemment décrit se définit par la  une mise à  l’écart  volontaire de cette catégorie d’individus majoritaires   dans les activités économiques, sociales   et autres… du pays.     Eux qui  n’ont pas choisi cette forme de vie mais  qui en  sont les principales victimes d’une société   de laquelle ils n’ont jamais appris à en  profiter.

 

Exploitée, marginalisée, la jeunesse est coincée  dans une impasse où seule la protestation, le droit de la force peut lui conférer la force du droit. Après avoir suivi le schéma tracé par la société du jardin d’enfants en passant par les divers examens officiels aux concours d’admission à l’université, les écoles professionnelles etc.   Elle se retrouve dans  une société haïtienne  reproductrice  des rapports  entre l’hérédité et la mobilité sociale et de leur indissociabilité.  Un système sélectif duquel, malgré tout, plusieurs d’entre eux y sont rescapés ce qui ne pourrait pas  les  permettre une mobilité sociale ascendante totale. En dépit  du  faible taux de ceux qui réussissent à obtenir leurs diplômes on  se retrouve en face d’une contradiction des plus stupides qu’est l’inflation des diplômes due au faible taux d’employabilité des jeunes  aussi bien  dans les espaces publiques que privés. Ce qui rend l’équation  Etat/Université ou Université/Etat assez boiteuse, l’université forme des cadres, fait des recherches pour qui et pourquoi?  Seule le clientélisme peut  favoriser une quelconque intégration de la jeunesse  sans ne négliger les efforts de l’Office Management des Ressources humaines (OMRH) en ce qui concerne l’organisation de quelques  concours. Dans les quartiers pauvres où l’échec scolaire, le  décrochage scolaire, l’abandon  scolaire sont  plus fréquents  compte tenu que l’éducation repose en majeure partie  sur le secteur privé soit  à  92%  selon  un  rapport du PNUD publié en 2005  et témoigne  de l’incapacité de l’Etat à  les intégrer tous  au sein d’une école républicaine pouvant leur permettre de suivre un programme d’une éducation nationale.  Exploités, mal éduqués, ils ne servent que de mains d’œuvres  à bon marché au service du système en place.  Ajouté  à cela, dans les milieux ruraux les jeunes sont de manières frappantes analphabètes. C’est cet  analphabétisme  qu’est la première arme utilisée contre eux pour les manipuler.  

 

Pour parfaire à ce système de domination, il s’avère important que les jeunes se syndicalisent, s’organisent, constituent  des groupes de pression, revendiquent leurs droits à une vie décente. Les jeunes de tous les quartiers,  des différentes  structures sociales  du pays doivent  exercer une pression sur l’Etat  sous différentes formes : Marches, Manifestation, Sit-in, etc. Afin d’exprimer leur frustration et de revendiquer leur droit de cité.  Ces formes de revendications  qui ne sont pas préalablement  définies,  elles  sont  déterminées  par le mouvement et son emprise desquels dégagent : Son leadership et sa forme. Tout ceci en dehors de tout formalisme définit au départ par la société. Car, c’est en dehors de toute logique et de tout formalisme que  les jeunes sont  victimes. C’est au détriment de leur être que se perpétue l’enrichissement de la bourgeoisie en complicité avec l’Etat. C’est avec leur  taxes que l’Etat se renforce également, Eux qui sont  en général les boursiers de l’Etat depuis les écoles nationales en passant par le lycée jusqu’à  l’université. Ils ont  une dette envers cette société non seulement en tant qu’haïtien mais en tant que les  premiers bénéficiaires des retombées de l’Etat. En ce sens, les différentes mesures prises avec eux et pour eux  qui vont être adoptées devront être  le reflet exact de ce qu’ils  sont  en tant que jeunes mais également faciliter leur intégration.

 

JEAN GARDY  SEIDE KAMELEYON, Anthropologue.

PORT-AU-PRINCE,  FEVRIER 2023

                                                                                                                  

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